lundi, 16 juillet 2018
 

L’Etat interdit l’abattage rituel aux musulmans

Une interdiction pure et simple de l’abattage rituel musulman en Europe n’est pas concevable. Elle constituerait une violation des libertés des minorités musulmanes et un traitement non égalitaire avec les minorités juives. De même, les intérêts économiques de la communauté européenne, notamment sur le marché halal, seraient gravement affectés. Une telle interdiction attirera l’attention des consommateurs musulmans sur la tromperie généralisée sur le marché halal. Ils auront l’évidence que leurs rites religieux ne sont pas respectés dans la production halal en Europe. Une prise de conscience provoquerait des conséquences telles le Boycott des agneaux belges, lors de l’Aid Al-Adha 2015, suivi par la majorité des musulmans belges. D’ailleurs, ce boycott désavoue ceux, en France ou en Belgique, qui sortent régulièrement de leurs chapeaux (sondage ou autres) que les musulmans seraient favorables à l’usage de l’étourdissement.

I- Tentative de distinction entre l’abattage halal et l’abattage casher

En Europe, et en particulier en France, on opte pour une interdiction progressive et indirecte [1] de l’abattage rituel musulman. Depuis 1970, la règlementation de l’abattage rituel, en France, impose aux musulmans de suivre le modèle juif [2], sans pour autant leur permettre des garanties équivalentes de la qualité religieuse de la viande.

Mais, il semble que les détracteurs du halal jugent qu’il est maintenant important de bien différencier l’abattage halal de l’abattage casher. Les enjeux socio-économiques et politiques du halal dépassent largement ceux du casher. De même, contrairement aux musulmans, les responsables juifs possèdent une stratégie de défense pertinente et très solide. D’ailleurs, c’est l’égalité du droit à ce rite entre les deux communautés qui a aidé les musulmans à conserver la liberté religieuse de l’abattage rituel en France.

Les experts de la question œuvrent alors pour justifier la discrimination de l’abattage rituel halal par rapport à l’abattage rituel casher. Ci-dessous, trois exemples de leurs efforts sont exposés.

1- Les agents de l’État :

D’abord, Pascal Dunoyer, Chef du Bureau des établissements d’abattage et de découpe [3], écrit en 2008 :

« Il est, en outre, fréquemment rapporté des cas d’abattage rituel halal réalisés clandestinement. Nous n’avons pas connaissance de cas d’abattage rituel casher clandestin. » [4]

Mais en réalité, certains musulmans agissent ainsi puisqu’ils rencontrent encore de grosses difficultés à organiser l’abattage halal en s’adaptant à une règlementation calquée sur l’unique modèle juif.

2- La Commission Commune d’Information du Sénat

Ensuite, La Commission Commune d’Information (MCI) du Sénat organise une table ronde sur l’abattage rituel, le 23 mai 2013. Seuls des responsables musulmans étaient présents [5]. La présidente de la commission a alors justifié l’absence des responsables juifs par un problème d’agenda. Ce problème d’agenda est résolu aussitôt qu’ASIDCOM adresse, le 25 juin 2013, un courrier à la MCI. L’association a dénoncé l’approche discriminatoire entreprise par la MCI vis-à-vis des musulmans [6]. Les responsables juifs sont alors reçus le lendemain, le 26 juin 2013. Mais, ils ont provoqué, à l’issue de l’audition, un colloque au Sénat pour contester les prises de position de la Rapporteur, le choix des experts et les développements consacrés à l’alternative d’abattage « rituel » et « traditionnel » alors que ce n’était pas l’objet initial de la mission d’information. De même, lors de la table ronde avec les représentants musulmans, il y a eu des formes d’ingérence manifeste dans le culte musulman [7] [8].

3- Guide des Bonnes Pratiques d’INTERBEV (GBP) [9]

Enfin, Le Guide de Bonnes Pratiques pour la protection Animal des Bovins à l’Abattoir d’INTERBEV est élaboré pour répondre à une nouvelle exigence règlementaire européenne. Les exploitants sont tenus de mettre en place des Modes Opératoires Normalisés (MON) pour maitriser la protection animale. Le guide indique que, de façon générale, les entreprises doivent établir un plan de contrôle formalisé, dans le cadre de l’abattage rituel. Mais, il souligne que ce plan devrait tenir compte de trois points dont le type d’abattage (halal ou cacher). Or sur les aspects techniques, concernant le bien être animal, il n’est pas justifié de différencier l’abattage halal de l’abattage casher. C’est l’abattage rituel que définit le règlement (CE) N°1099/2009, par « rites religieux : une série d’actes associés à l’abattage d’animaux et prescrits par une religion ». Bien entendu, cette définition exclut l’étourdissement des animaux de l’abattage rituel tel qu’il est prescrit par les textes religieux musulmans et juifs.

Pourtant, la rédaction du Guide des bonnes pratiques d’INTERBEV a préféré inclure, sans avis préalable des représentants du culte, la possibilité d’étourdir les animaux dans le cadre de l’abattage rituel. Ce principe pourrait être applicable uniquement à l’abattage halal étant donné l’absence du contrôle rituel par l’autorité religieuse, dû au statu quo de l’organisation règlementaire et communautaire du marché halal.

II- Discrimination et Interférence avec les droits religieux par le Biais du GBP d’INTERBEV

1- Définition de l’abattage rituel dans le guide d’INTERBEV

Le guide des bonnes pratiques d’INTERBEV (novembre 2013) exclut la définition de l’abattage rituel de son Glossaire. Il avance juste une définition de la jugulation qui correspond à la définition technique de l’acte de sacrifice. ASIDCOM a pourtant attiré [10] l’attention d’INTERBEV sur la nécessité de définir clairement l’abattage rituel. Une définition est d’ailleurs proposée par le règlement européen : « rites religieux : une série d’actes associés à l’abattage d’animaux et prescrits par une religion ».

De même, ASIDCOM a adressé en octobre 2013, un courrier [11], en lien avec le guide d’INTERBEV, au Ministre de l’Agriculture l’informant du besoin de fournir plus de précision sur la définition règlementaire de la notion d’abattage rituel. La réponse [12] du Ministère fut complètement confuse.

2- Déficiences autour de l’abattage rituel dans le guide d’INTERBEV

Le Guide prévoit des fiches pour les MON de l’abattage sans étourdissement dans le cadre de l’abattage rituel (ou abattage rituel sans étourdissement préalable page 83). Mais il ne prévoit pas de fiches pour l’abattage rituel avec étourdissement préalable. Aucun des modes de saignées définis dans les fiches de saignée post étourdissement ne correspond à la jugulation (saignée rituelle).

Sont aussi établies des fiches d’étourdissement post-saignée ou soulagement dans le cadre de l’abattage rituel sans étourdissement préalable.

Ainsi, le guide admet l’usage de la pratique de l’étourdissement, avant ou après l’abattage rituel, en dépit de l’opposition officielle par les représentants des cultes musulman et juif. Puis, il omet d’établir certaines fiches nécessaires en lien avec la vision de ses rédacteurs de l’abattage rituel.

3- Signes de conscience

D’un point de vue règlementaire, l’animal doit être maintenu dans le système de contention jusqu’à perdre conscience. Le Guide d’INTERBEV cite l’absence du réflexe cornéen de manière confuse comme à la fois signe de perte de conscience et signe de la « mort » de l’animal. Or selon la Communication d’Henri Brugère [13], 7 mai 2008. Rencontres - animal et société : « le réflexe de clignement au toucher cornéen n’a aucune signification en termes de conscience ou de perception de la douleur ». L’absence de réflexe cornéen correspond en effet à la mort du cerveau de l’animal.

4- Usage du Guide d’INTERBEV par les services de l’État

Les exigences règlementaires liées à la perte de conscience dans le cadre de l’abattage rituel se traduisent par :
-  l’obligation de maintenir la contention de l’animal jusqu’à sa perte de conscience (Règlement Européen), et
-  les informations relatives aux procédures de contrôle de la perte de conscience qui doivent s’inscrire dans les modes opératoires normalisés relatifs à la réalisation de la mise à mort, propres à chaque abattoir (arrêté du 28 décembre 2011). Le Guide d’INTERBEV sert quant à lui juste d’appui pour la réalisation des MON.

Mais les services de l’Etat tendent à intervenir pour interdire l’abattage rituel, se basant sur des critères de délai pour la perte de conscience des animaux. Ils imposent aux sacrificateurs musulmans d’introduire l’étourdissement ante et/ou post jugulation, ou ils suppriment à l’abattoir l’autorisation de sacrifice rituel. Ils se basent, pour agir ainsi, sur les fiches du Guide d’INTERBEV qui dépassent largement les exigences règlementaires. Ce fait est d’ailleurs précisé dans le Guide, fiches abattage sans étourdissement, page 77 « Les recommandations présentées dans ce cadre vont au delà du respect des exigences réglementaires en matière d’abattage rituel ». Ils se justifient aussi, selon eux, par la soit disant acceptation de l’étourdissement par les autorités religieuses musulmanes. Aussi, une note de service datant de mars 2012 est parfois présentée en guise de justificatif de la légitimité des agissements discriminatoires des services de l’Etat. Mais cette note, tout comme le Guide d’INTERBEV, est méconnue par les représentants du culte (CFCM). Il serait aussi étonnant que les trois mosquées en aient eu connaissance, étant donné la contradiction de son contenu avec les positions officielles, surtout celles de la grande mosquée de Lyon.

III- Le CFCM doit intervenir pour rectifier les MON concernant l’abattage rituel

Les acteurs musulmans sont souvent pris à part par des agents de l’État (DDPP, DGAl) cherchant à éliminer l’abattage rituel musulman. Quand ces acteurs n’acceptent pas les alternatives jusqu’au-boutistes de ces agents [14] [15] , ces derniers usent de leur pouvoir pour les y obliger. Dans le cas contraire, ils risquent de se voir interdits de sacrifier afin de satisfaire les besoins des consommateurs musulmans. Les agents de l’État tendent en effet à exiger des musulmans de se conformer à des normes qui dépassent les dispositifs règlementaires. L’absence d’un moyen fiable pour trancher sur l’état de conscience de l’animal permet une grande marge d’action pour discriminer l’abattage rituel musulman. Par exemple certains agents considèrent que la persistance du réflexe cornéen est signe de la prolongation de conscience après la jugulation. Or ce signe peut persister jusqu’à la mort de l’animal, puisqu’il forme avec la respiration rythmique des signes de la mort (GBP, page 125).

Il est aussi regrettable que ces services ne recommandent pas plutôt aux abattoirs concernés de mettre en place les procédures de contrôle/suivi afin d’améliorer la protection animal. D’ailleurs, le GBP prévoit des fiches à ce fait.

ASIDCOM a écrit aux administrations concernées afin de dénoncer les formes discriminatoires (suppression de l’abattage rituel) qui visent des droits fondamentaux des consommateurs musulmans. [16] [17]

Mais il est surtout important que le CFCM intervienne afin d’imposer le respect de la charte Halal. D’ailleurs, les conditions et règles de bienséance de l’abattage halal répondent largement aux exigences règlementaires en terme de bien-être animal. Il y a vraiment un besoin urgent que le CFCM, en concertation avec les acteurs musulmans, et en se basant sur le Guide d’INTERBEV, mettent à disposition les Modes Opératoires Normalisés nécessaires à chaque abattoirs. Ces derniers doivent permettre de garantir la mise en application des enseignements musulmans pour le respect des rites, y compris celui de la protection animale.

Une non action du CFCM et des acteurs musulmans permettra à l’ETAT D’IMPOSER, PAR SES AGENTS, LA GENERALISATION DE L’ETOURDISSEMENT PREALABLE ET/OU POST MORTEM A L’ABATTAGE RITUEL MUSULMAN


[1] C’est un processus discriminatoire qui vise à supprimer l’abattage rituel musulman, sans pour autant toucher à l’abattage rituel juif. Le livre « La République et le Halal : Histoire de l’abattage religieux musulman en France » expose les différentes étapes passées de ce processus, déclenché en France depuis environ un demi siècle, par les premiers textes réglementant l’abattage rituel.

[2] Avant l’apparition des textes réglementaires, en 1970, il existait deux organisations différentes des rites d’abattage rituel ; celle des musulmans et celle des juifs. Mais, dès 1970, le modèle juif, plus centralisé autour de l’autorité religieuse, est adopté par le pouvoir règlementaire et est généralisé aux deux communautés religieuses concernées. Le modèle musulman est donc rendu inadapté voire illégal eu égard à certains aspects. Aussi, durant 24 ans (1970-1994), l’organisation de l’abattage rituel musulman était déléguée aux préfets plutôt qu’aux musulmans eux-mêmes. C’est ainsi que l’interférence de L’État élimine une mini filière halal, basée sur les circuits communautaires et familiaux musulmans. Elle est donc réduite en un marché de dégagement pour la filière viande conventionnelle. Ainsi, le processus d’interdiction progressive de l’abattage religieux halal n’a pas cessé de progresser et est accentué actuellement.

[3] Docteur vétérinaire, chef du bureau des établissements d’abattage et de découpe, Direction générale de l’alimentation – Ministère de l’agriculture et de la pêche.

[4] http://www.oaba.fr/pdf/reglementati...

[5] http://www.asidcom.org/Lettre-d-ASI...

[6] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Miss...

[7] http://www.senat.fr/rap/r12-784-2/r...

[8] http://videos.senat.fr/video/videos...

[9] http://www.smac-corse.fr/downloads/...

[10] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/lett...

[11] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Lett...

[12] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/repo...

[13] Henri BRUGÈRE, Professeur à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, laboratoire de Physiologie-Thérapeutique

[14] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/lett...

[15] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/lett...

[16] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Lett...

[17] http://www.asidcom.org/IMG/pdf/Lett...

4 commentaires
  • L’Etat interdit l’abattage rituel aux musulmans 28 décembre 2015 11:51, par mouton

    Faut boycotter et ne plus acheter de viande... pas de Aïd, envoyez l’argent à des ONG pour les pays pauvres !!! VOILA CE QU’IL FAUT FAIRE.

    Répondre

    • L’Etat interdit l’abattage rituel aux musulmans 4 janvier 2016 19:20, par D’accord

      Oui, très bonne idée, aucun verset du coran n’interdit le végétarisme. Que les musulmans défendent ce mode d’alimentation sain et respectueux des animaux et ils seront admirés par leurs concitoyens.

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  • L’Etat interdit l’abattage rituel aux musulmans 4 janvier 2016 14:37, par noillar

    Beaucoup de tra la la pour une aberration encore vivante dans nos pays civilisés.
    Quatre arguments incontournables
    a) ON N’IMPOSE PAS À DES POPULATIONS NON MUSULMANES OU MUSULMANES NON PRATIQUANTES DES RITES RELIGIEUX PARTICULIERS
    b) AU XXI° SIÈCLE, on vit d’une façon moderne car on n’est plus dans l’ANTIQUITÉ où les sacrifices animaux (voire humains) étaient d’usage
    c) ON SAIT LES RISQUES SANITAIRES LIÉS AUX ABATTAGES JUIFS ET MUSULMANS, ALORS OÙ EST LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION TELLEMENT MIS EN AVANT PAR LES POLITIQUES.
    d) une pure décence envers les animaux nous indiquent qu’ils ne sont pas sur terre pour souffrir en fonction des caprices de l’Homme mais juste pour le nourrir sans souffrance

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    • vous tombez droit dans le piège des arguments subjectifs des détracteurs du halal. Certains sont mêmes complètement absurdes dont l’unique but est de donner un certain populisme à des candidats politiques. Ces derniers nourrissent leurs campagnes électorales du racisme, antisémitisme et l’islamophobie déguisés par la bienfaisance envers les animaux.

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